Sur les pas de Jean-Jacques Rousseau

Ici sont publiées

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  2. et les contributions qu’ils voudront bien nous proposer en relation avec les thèmes de réflexion chers à Jean-Jacques Rousseau.

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Du Panthéon à Bossey
La Confession posthume de Jean-Jacques Rousseau

En Pays de Savoie, à Bossey, retour sur la scène du crime

                                                                 Texte de Régine Belley

Parler de Rousseau ? Je préfère lui parler, lui proposer un face à face intime et bienveillant avec son  Lecteur, auquel viendrait se joindre ensuite une invitée de marque. C’est ainsi que je marcherai sur les traces du Philosophe, pour découvrir l’univers éthéré des hauteurs de Genève et le rappeler aux bons souvenirs de son enfance. Entre dix et douze ans, il a construit en dur, sans s’en douter, la personnalité de Jean-Jacques devenu très tôt Rousseau. Bien des  lieux étaient susceptibles de répondre aux envies de notre Promeneur solitaire. Pour le poète à l’âme sensible,  son retour à Bossey devrait toucher son cœur. Il nous a confessé que les courts moments qu’il y a vécus expliquaient l’origine des blessures personnelles dont il fut la victime par la suite et qu’il a toutes décrites dans son œuvre.

Trente ans après votre séjour, vous vous étiez promis, Jean-Jacques, de revenir à Bossey, juste pour revoir le noyer géant, « le monument » de vos douze ans et l’épicentre de vos facéties avec l’auguste cousin Bernard, Abraham Bernard. À 53 ans, en  commençant à rédiger vos Confessions, vers les années 65, 1765, vous n’y croyiez plus du tout mais en rêviez encore. Vous n’avez cependant pas pris le temps d’honorer votre engagement vis-à-vis de vous-même. Aujourd’hui, il n’est pas trop tard ; c’est moi qui vous emmène sur place. Vous n’ignorez pas qu’un noyer connaît en général une longévité d’environ 300 ans ; c’est dire que celui visible aujourd’hui au cœur du village, derrière le Presbytère, est donc probablement cet arbre remarquable dont vous avez fait jadis mille fois le tour. Réjouissons-nous que ce vestige, qui aurait résisté aux affres des siècles, puisse être bien votre légendaire noyer. Hélas, « une main froidement  méthodique l’a fait abattre parce qu’il dérangeait la symétrie d’une cour. Qu’elle devait être étroite et glacée cette âme qui préféra une ennuyeuse uniformité à un souvenir délicieux »*. Le saule, autre acteur incontournable de vos aventures, au couvre-chef gris et argenté, n’a pas résisté non plus au temps. Vous êtes-vous beaucoup amusé et avez-vous éprouvé bien des jouissances à l’époque ?

« Les plaisirs de ma jeunesse sont trop rares, trop mêlés d’amertume et sont déjà trop loin de moi ».

Pourtant j’insiste, cher Ami. Il vous faudra faire un léger effort de rétrospection, bousculer votre mémoire pour évoquer quelques uns des souvenirs marquants de votre enfance, celle de vos premières années après avoir quitté, forcé, le 15 de la rue de Coutance à Genève et fixer ainsi votre séjour dans ce charmant petit village montagnard de quelque mille âmes aujourd’hui.

I – Souvenirs des charmes de la pension au Presbytère chez les Lambercier

Certes, vous aviez connu précédemment un monde heureux auprès de Tante Suzon qui, par sa douceur et son goût pour la musique, avait construit vos premières années comme dans un cocon. Mais Isaac, votre Papa  a quelque peu entaché ces moments exquis par son profil bagarreur et son esprit follement épris de Liberté.

« Ce train d’éducation fut interrompu par un accident dont les suites ont influé sur le reste de ma vie ».

À Bossey, tout avait été prévu pour parfaire votre éducation.  La mission des Lambercier était inscrite en clair au programme du patriarche : Le Pasteur, l’autre Jean-Jacques, le petit homme tout en noir, aux chausses à bouts ronds et boucles dorées,  au bonnet  étriqué et austère, certes « raisonnable » était plutôt sévère, planté, avec ses bras résolument pliés en croix. Sa sœur, Gabrielle,  dite Mademoiselle Lambercier, agenouillée au niveau de votre regard,  vous accordait en revanche autant de tendresse et d’affection qu’une seconde mère pouvait tenter – je précise bien « tenter »  – de vous offrir. Vous avez ainsi grandi d’une part, dans  un excès de rigueur et d’autre part, dans un excès d’indulgence. La vie à Bossey s’annonçait donc délicate. Comment l’imaginiez-vous cet enfant, à l’instar d’Émile, à l’époque ?

« L’enfant ? Un être libre ; laissez-le seul en liberté ; heureux et libre. … Le premier de tous les biens n’est pas l’autorité mais la Liberté. L’homme vraiment libre ne veut pas ce qu’il peut, et fait ce qu’il lui plaît. Voilà ma maxime fondamentale  …  La simplicité de cette vie champêtre me fit un bien d’un prix inestimable en ouvrant mon cœur à l’amitié. Jusqu’alors je n’avais connu que des sentiments élevés, mais imaginaires ».

Nous sommes début octobre. Pourquoi Jean-Jacques, précisément à cette  période ?

« L’automne étale une richesse que l’œil admire ; mais cette admiration n’est point touchante ; elle vient plus de la réflexion que du sentiment ».

Certes, mais c’est à l’automne 1722 que votre Père, occupé à d’autres intérêts sans vous,  vous a déposé comme un paquet, voire abandonné durant deux ans, chez vos précepteurs désignés pour la bonne cause. Heureusement grâce à Dieu, le cousin Bernard,  à leurs côtés, joua tous les rôles. Aussi « fripon » que vous, il prit part aux multiples  bêtises pour lesquelles vous étiez empreints à la fois de « gloire, d’orgueil et de vanité ». « Libres, gais, insouciants, innocents, imaginatifs », vous étiez, à Bossey, les rois du monde.

Avoir l’idée de construire un aqueduc pour défier les lois de la nature en provoquant éboulement et inondation programmés, fut la preuve incontestable de votre talent de bâtisseur destructeur. Afficher le profil effronté d’un garçonnet arrogant devant les menaces d’une punition, gagner, comme au théâtre,  l’admiration de votre auditoire restreint, recueillir,  par votre intelligence, la mansuétude de vos maîtres déterminés à bien vous éduquer, enfiler, en toutes circonstances, l’habit du héros du jour en déambulant  fier comme un coq devant la haute cheminée, ont dessiné à jamais les contours d’une personnalité hostile tant à la gêne qu’à l’assujettissement. L’enfance ne peut donc être l’autel d’aucunes entraves ?

« L’enfance n’est et ne doit être que jeux et folâtres amusements … J’avais pourtant le désir d’apprendre. D’ailleurs  Émile a su parfaitement lire et écrire avant l’âge de dix ans et a été élevé à la campagne, loin de la canaille des valets, les  derniers des hommes après leurs maîtres ».

C’est pourtant à Bossey que vous avez commis « votre premier crime ». Vous nous avez même confessé en avoir commis trois dans votre vie. Pourquoi qualifier de crimes ces actions honteuses dont vous avez été l’auteur si jeune ? Il n’y avait pas mort d’homme. Vos regrets associés aux remords ne sont-ils pas la cause de souvenirs indélébiles qui taraudent encore votre conscience ?

« Avec les conventions et les devoirs naissent la tromperie et le mensonge  … On se cache et on ment … Tous les vices de notre âge corrompaient notre innocence et enlaidissaient nos jeux ».

Les deux autres crimes, commis plus tard, (le vol du ruban rose et blanc de Marion et l’abandon sur la route de Monsieur Le Maître, en pleine crise d’épilepsie) ne seront pas glorieux. A ce titre, « le criminel » fut absous de toute sanction pénale. À deux, les bêtises se collectionnent à tire-larigot. Maintes fois, vous avez été prévenus. Maintes fois, vous n’avez eu que faire des remontrances appuyées. Il fallut que le châtiment digital tombât illico après tant d’inlassables effronteries. Monsieur Lambercier était strict mais pas violent. Mademoiselle Lambercier réagissait aussi aux écarts de conduite mais elle était juste comme peut l’être une mère de substitution qui se veut éducatrice aimante. À  plusieurs reprises, elle vous administra une fessée bien méritée. Mais à son grand dam, elle s’aperçut très vite de l’effet contraire à celui escompté. Elle s’arrêta de punir car elle conclut que vous grandissiez bien trop vite vers l’âge de raison de vos douze ans. Votre sensualité précoce fut votre premier crime. Vous accordez-vous aujourd’hui des circonstances atténuantes ?

« Connaître le bien et le mal, sentir la raison des devoirs de l’homme, n’est pas l’affaire d’un enfant »

C’est dans ce sombre Presbytère que vous avez, pour la première fois, connu le poids de l’injustice. Le tandem Lambercier découvrit un jour qu’un peigne, un objet sans importance, un banal accessoire de toilette, était cassé. Jean-Jacques, hardi de réputation, vous avez été tout de go désigné comme le coupable silencieux du méfait, sauf que malgré les apparences évidentes, vous n’en étiez pas l’auteur. Devant leur tribunal constitué pour la circonstance, victime d’une véritable erreur judiciaire, torturé, vous avez été puni, une fois n’est pas coutume, à tort. Votre haine contre l’injustice connut son origine dans la cuisine du Presbytère, contiguë à la chambre où appliqué, vous étudiiez. Le moment fut douloureux et laissa une marque au fer rouge pour le reste de votre vie. On comprend  combien la cause de « votre entrée dans les ténèbres » puise ses racines dans le tréfonds de l’enfance dont les détails évoquent la souffrance d’un petit être, certes libre, mais pas du tout préparé à affronter les injustices et leurs combats à venir. L’enfance ne fut donc pas qu’insouciance ?

« Cet événement fut le terme de la sérénité de ma vie enfantine … Ce premier sentiment de violence et d’injustice est resté si profondément gravé dans mon âme que toutes les idées qui s’y rapportent me rendent ma première émotion … L’enfance est le sommeil de la raison ».

C’est ainsi, précisément à Bossey, que vous avez  découvert, très jeune, que la conscience pouvait être couplée à l’éveil de la raison.

« La campagne même perdit à nos yeux cet attrait de douceur et de simplicité qui va au cœur. Elle nous semblait déserte et sombre ».

C’est-à-dire ?

« Contempler une belle enfance préférablement à la perfection de l’âge mur. Quand est-ce que nous goûtons un vrai plaisir à voir un homme ? C’est quand la mémoire de ses actions nous fait rétrograder sur sa vie. Mais quand je me figure un enfant de dix ou douze ans, sain, vigoureux, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l’avenir : je le vois bouillant, vif, animé … pourtant la souffrance et le mal existent, nous n’y pouvons rien ».

II – Une longue balade dans vos montagnes et une surprise au retour

Venez, on sort. Je vous emmène,  cher Ami,  en promenade, pas aux Charmettes de  Chambéry, vous l’aurez deviné, votre sensibilité n’y résisterait pas. Partons naturellement en explorateurs aux alentours du village. Soyez persuadé que vous ne vous ennuierez pas.  Je vais faire appel à votre réputation de marcheur émérite pour éveiller vos cinq sens.

« Je peux passer partout où un homme passe ».

Alors soyez prêt. Je vous accompagne malgré votre mine défaite ; je resterai discrète, point de « babils » entre nous. Je vous promets. Nous partons  tôt pour ne rien perdre des merveilles du lever du soleil. Soyons, comme il faut,  confortablement armés jusqu’aux pieds. On va se limiter, dans un premier temps, à une  promenade facile ne générant ni douleurs, ni épuisement. Il n’y aura nul besoin de couper à nouveau le bout de vos chaussures pour vous sentir à l’aise. Au contraire, nous cheminerons au pas tranquille pour découvrir sur le parcours les couleurs riches de « l’or et de la pourpre », le refuge d’une grotte, un torrent alpin, que sais-je.  Prévoyons environ deux bonnes heures et un peu plus si nous nous arrêtons deux ou trois fois, à votre convenance, pour nous imprégner de vos Confessions sur votre expérience à Bossey.  Les bornes de balisage nous seront utiles au début, si vous vous sentez perdu puis nous serons livrés à l’aventure, l’intuition, y compris aux risques pour le reste de la promenade. Nous n’emprunterons pas « le sentier Jean-Jacques Rousseau » piétiné par trop de curieux qui vous importuneraient. Ce projet bucolique suscite-t-il votre intérêt ?

« Nos premiers maitres sont nos pieds, nos mains et nos yeux ».

Alors, partons  de l’Église, n’y entrons pas, on verra plus tard. Ignorons aussi le Presbytère : superflu pour l’heure. Ne vous retournez pas : une surprise vous attend au retour.  Par pitié, jouez le jeu Zanetto, même si vous auriez souhaité entreprendre la promenade en solitaire, à votre goût. Tout en croisant les doigts, j’espère que la magie va opérer. Je serai votre guide et vous invite à aller à la rencontre des chemins de votre enfance, du ruisseau ombragé qui conduit au réservoir de la Montagne puis au croisement de la Grande Gorge. Souvenez-vous,  Jean-Jacques, levez les yeux sur les falaises du Mont Salève. Ils ont installé un téléférique parce que les gens ne connaissant plus l’effort,  ne vont désormais plus à pied. Evitons encore la foule des randonneurs car  nous devons être seuls pour traverser la zone un peu marécageuse puis la clairière si vous voulez profiter du gazouillis de vos amis musiciens.

Le grand chêne séculaire, une illustration remarquable de la puissance de la nature et du temps, s’impose et barre tout à coup notre élan. Vous reconnaîtrez aussi cet écrasant rocher de calcaire friable et fragile. Il a pourtant résisté. Voyez ce Golf, en contrebas. Les Genevois s’y agglutinent pour pratiquer un sport très tendance ; vous n’aimerez pas, n’y pensons plus. Avançons. Ici la connexion entre l’Homme et la Montagne prend tout son sens. Votre passion pour la botanique ne provient pas du goût de Madame de Warens  pour les pervenches mais pour avoir parcouru ces sentiers botaniques et géologiques qui vous ont fait découvrir tant d’espèces florales. C’est à cette époque que vous avez déjà ouvert en grand, dans votre cerveau, un herbier qui pourrait compter  les fleurs et plantes de la terre entière sans en ignorer une seule.

Soudain, Il ne s’agit plus d’une balade qui sied au cœur mais plutôt de sentiers vertigineux qu’il faut affronter comme l’Homme à l’abordage du roc. Les lacets complaisants ont laissé place au versant raide de la forêt que nous avons déjà grimpée jusque la cascade. Plusieurs fois, nous avons évité la chute. Regardez ; des coupes de bois de chauffage permettent encore de satisfaire les habitants de Bossey, les Bossatis, toujours attachés à préserver la qualité du paysage.

Voyez en contre-bas Jean-Jacques ; vous vous interrogez certainement sur l’aspect désordonné de cette prairie notamment parce que les herbes folles paraissent pousser à l’abandon et envahissent négligemment l’horizon harmonieux mais déstructuré. Ce point de vue à l’anglaise doit d’ailleurs vous ravir ; ici on ne fauche pas au grand plaisir des agriculteurs du coin qui viennent chercher leur fourrage, pour pas cher.

Revenons par « le chemin des vignes » car à Bossey, on produit un vin tranquille, appellation contrôlée, dit-on de nos jours, blanc, rosé et surtout rouge lequel je sais, recueille votre préférence. Vous aimez les vins puissants comme celui de Frangy ou de Montferrat. Celui de Bossey est différent. Allons à la rencontre des hommes et des femmes joyeux de leur travail. C’est la période des vendanges et le vin ne va pas sans la fête car Bossey est une fête. Toutefois, les enfants sont désormais absents et on ne chante plus comme avant. On célèbre désormais l’événement dans la joie mesurée et l’insouciance retenue. Pourtant peu de choses changent dans le rituel que la nature nous offre  immanquablement chaque année. Le spectacle va vous plaire. Que pensez-vous de ces vendanges qui jadis vous comblaient de joie ?

« Le travail à la campagne est la première vocation de l’homme … une fête continuelle … qui n’en devient que plus belle à la réflexion, quand on songe qu’elle est la seule où les hommes aient su joindre l’agréable à l’utile ».

La pression va bientôt prendre fin. Rentrons au village ; je vous ai promis une surprise au retour. Ne  soyez pas méfiant. Vous allez apprécier, non l’objet en soi, car je vous sais modeste, mais sa signification. Au pied de l’Église, d‘où nous sommes partis, par miracle, les arbres ont été épargnés. Un bistrot et ses commodités modernes ont désormais pignon sur rue. Une organisation  a été mise en place, un sens interdit, une voie sans issue,  un stop : le village est si petit et ne nécessite pas tant d’obstacles à la liberté de s’y promener. Bref, ils ont vu grand. Ils ont innové : en 2013, une étonnante statue longiligne, faite de bronze à l’initiative du sculpteur morzinois Robert Vernet,  a été érigée dont je vous laisse deviner le personnage central. Votre ego va être ciblé en son cœur. Selon l’artiste, ce bras tendu, ces doigts pointés vers les montagnes entraînent philosophiquement le monde par la pensée de son héros et tentent de cueillir le plus loin possible quelque chose d’inatteignable. Je vous laisse réfléchir sur la portée de l’influence que votre Génie a diffusée pour notre culture et notre histoire à tous. Le mouvement de cette statue élancée, unique parce qu’elle est la seule à vous représenter adolescent, nous invite au voyage, loin, au-delà des montagnes que nous venons de redécouvrir par notre promenade. Vous en faites le tour, perplexe, avec même une moue de scepticisme. C’est la reconnaissance Jean-Jacques qui s’expose ici, résistante à toute forme d’oubli. Observez comme cet enfant ou cet adolescent dynamique car marcheur, coureur de montagnes nous invite à le suivre dans sa réflexion.  Cette statue est un phare, un rocher auquel celui qui veut s’accrocher trouve une issue salvatrice.

Je connais votre point de vue sur les portraits qui ne sont faits « ni de chair ni d’os et qui ne servent qu’à polir l’ego de ceux qui les réalisent ». Cette statue façonnée par l’architecte soucieux  d’approcher au plus près la réalité du modèle, doit probablement recueillir de votre part le même attribut. Est-ce que ce chef d’œuvre vous plaît quand même ?

« Je distingue dans ce qu’on appelle honneur celui qui se tire de l’opinion publique et celui qui dérive de l’estime de soi-même ».

Il m’importe de croire qu’elle capte au moins votre attention. Non seulement le village s’est mobilisé pour vous mais depuis, au-delà de Genève et jusque Paris et d’ailleurs, beaucoup se déplacent. Aujourd’hui, on vient  à Bossey pour son charme mais plus encore pour les douces traces de  votre enfance, comme un instant d’innocence et de grâce suspendu dans le bronze.

J’ai remarqué que selon que vous aviez abordé la descente ou la montée des chemins, l’état de votre âme avait été différent et s’était adapté soit à l’accélération et l’euphorie, soit à l’effort et la retenue : d’une part, vous avez le potentiel de marcher jusqu’à courir, d’autre part, vous disposez de la réserve d’énergie consommée jusqu’à la fatigue et l’épuisement. Dans les deux cas, je vous ai vu heureux de cette balade. Le souffle se veut soudain saccadé. Il est donc temps de se reposer ; C’est fou ce que ces montagnes escarpées nous ont offert la sérénité jusqu’à parfois l’extase lorsque le paysage est naturellement beau à couper le souffle. Comment vous sentez-vous ?

« Nous ne savons pas ce que c’est que bonheur ou malheur absolu. Tout est mêlé dans cette vie … Ma félicité je l’ai cherchée auprès de moi et je l’ai trouvée ».

III –  Un dernier petit tour par le cimetière et une rencontre imprévue, en mémoire d’une Grande Dame

Reprenons la route de la Sainte-Croix et arrêtons-nous, sur la droite, devant ce petit cimetière du village. Poussons la grille face à la montagne dominatrice. Le lieu est calme, les allées désertes. N’en soyons nullement surpris. Arrêtons-nous un instant. Ici, cette pierre haute et impressionnante sans dalle tombale, cette grande croix fine et élancée et ce  parterre de rosiers sauvages qui, en cette saison, ont envahi tout l’espace, nous invitent à un moment de recueillement.

Ici repose, dans cet endroit tranquille, à quelques encablures de la frontière avec la Suisse qui fut pendant la seconde guerre mondiale le théâtre de durs combats armés, parmi les braves gens, « une brave femme, pas beaucoup plus », comme elle se plut à se décrire lorsqu’on lui disait qu’elle était une héroïne. Elle s’en offusquait :

« Moi, une héroïne ? Sûrement pas ». 

Ici repose une grande Résistante, courageuse dont la vie fut remplie d’engagements, ceux de lutter sans failles contre l’oppression de l’envahisseur, ceux de ne rien lâcher face à un isolement et une adversité indescriptibles. Ici repose une déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Pourtant l’approche de la limite extrême ne lui fut, à aucun moment, effroyable. Elle côtoya la mort devenue familière en ces longues années de guerre sans jamais abdiquer. Que nous confiait-elle souvent ?

« Le pire n’est pas la mort, c’est la haine et la violence ».

Un anonyme a très bien défini que la résilience est la capacité à faire face aux lourdes difficultés de la vie, à transformer la douleur en force motrice pour se surpasser et en sortir fortifiés. Un autre nous a de plus  conseillé de continuer à forger notrerésilience, fortifiant notre aptitude à voir une lueur d’espoir briller au-dessus des épreuves de la vie.

Ici repose une femme exemplaire qui milita ensuite pour la cause des gens pauvres, des plus démunis pour qu’ils soient considérés dans la dignité pour leur grande souffrance. Les pauvres, selon Bernanos, répétait-elle à l’envi,  « les pauvres ont le secret de l’espérance ». Elle s’acharna ainsi à défendre les droits de l’homme dans un esprit de fraternité, d’altruisme sans nul autre pareil.

« Une aube apparaît, elle est encore bien grise …  Le refus de la misère peut ressaisir ceux qui sont en quête de quelque chose qui donne un sens à la vie. … Chacune de nos rencontres m’a conduite dans un chemin inconnu d’avance, et cependant reconnu comme s’il m’était familier. Et maintenant, je sais que je dois aller beaucoup plus loin dans mon engagement contre l’injustice de la misère ».

Votre sentiment Jean-Jacques ?

« Il faut qu’en voyant des malheureux  on n’ait pas pour eux cette  pitié stérile et cruelle qui se contente de plaindre les maux qu’elle peut guérir. Il faut donc qu’à la pitié succède une bienfaisance active ».

Ici repose une personne au sourire généreux, réservée et pleine de pudeur qui eut la volonté inouïe de transmettre les enseignements de son horrible expérience humaine pour faire prendre conscience aux générations à venir des enjeux qu’impose la quête d’Égalité et de Liberté. Ce sont des femmes et des hommes comme cette Dame qui ont donné, par leur comportement exemplaire, de l’espoir à l’Humanité. Vous savez ce qu’elle clamait souvent, à tous haut et fort ?

« Cherchez au fond de vous ce que vous croyez être le meilleur et votre vie aura un sens … Il ne faut être redevable qu’à sa conscience ».

Ici repose à Bossey une grande Dame qui, en 2015 reçut l’honneur ultime d’entrer au Panthéon des Grands Hommes auxquels la patrie est reconnaissante. Un peu de terre du village portée jusque Paris fut le symbole du passage de la quiétude discrète  à Bossey à la lumière de la reconnaissance publique à Paris.

Ici repose Madame Geneviève de Gaulle Anthonioz.

Un silence de plomb tombe soudain sur ce petit cimetière. Peut-être prenez-vous conscience des aspects de vos personnalités respectives quelque peu similaires : Sensible, timide autant qu’elle était pudique et réservée. Le Panthéon, qui accueille et honore des gens simples, ne vous a pas réunis par hasard : vous avez été désignés  les héros de la Nation parce que vous réunissez les  qualités d’une âme immortelle. Qu’en pensez-vous Jean-Jacques ?

« Le Héros est celui qui se rend le plus utile aux autres et qui doit être le premier de tous… le Héros est l’ouvrage de la nature, de la fortune et de lui-même. Comme le Sage, il est ferme et inébranlable mais dans l’intérêt de la société et non pour son bénéfice personnel ».

N’estimez-vous pas que l’esprit de résilience, qui vous a souvent animés a contribué à votre volonté commune d’aider les pauvres et les plus faibles ?

« Il faut s’empresser de secourir ceux qui en ont besoin … Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet : les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d’en être exempt ? »

Votre cœur à tous les deux est resté à Bossey et votre âme s’est envolée jusque sur la place des Grands Hommes. Troublant et réconfortant pour la mémoire de l’Humanité n’est-ce pas ? Tous deux avez la même passion pour la Liberté, la Justice, le goût pour les choses simples et fraternelles.

… « La justice est la vertu qui concourt le plus au bien commun des hommes ».

Enfin, ce qui vous rapproche encore et j’aurais dû, pour vous présenter, évoquer au préalable cet événement car déterminant à vie pour la sensibilité d’un être envers les autres, c’est que tous les deux, avez perdu votre maman très tôt, vous à la naissance, Geneviève à l’âge de cinq ans. Adieu à l’innocence de l’enfance sans le bonheur de bras chaleureux qui vous serrent jusqu’à vous étouffer d’amour.   Madeleine de Gaulle sa tante et Suzanne, dite Suzon, la vôtre vous ont toutes deux pris sous leurs ailes, elle à l’âge de vingt ans, vous dès la naissance pour adoucir ce choc affectif. De plus, vos pères respectifs ont très vite refait leur vie, ce qui n’a pas adouci votre peine. L’enfance, la jeunesse qui déterminent le parcours d’une vie, ne nous quittent jamais. D’abord un enfant orphelin de sa maman, un adolescent fragile pour devenir un homme d’une sensibilité exacerbée.

« Je coûtais la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier de mes malheurs ».

Tous deux avez pris ensuite un malin plaisir à déjouer les pistes en prenant des noms d’emprunt, Germaine Lecomte pour Geneviève,  Vaussore de Villeneuve, Mister Dudding ou encore Jean-Joseph Renou pour ce qui vous concerne. Ce choix impérieux dans les deux cas  s’imposait pour adopter une stratégie gagnante dans l’action : Agir incognito pour mieux arriver à ses fins. Tous deux avez indiqué le chemin pour plus de Justice, ce au prix de souffrances personnelles dont vous nous avez transmis, par vos écrits, vos témoignages, des enseignements précieux.

Je savais Jean-Jacques que cette ballade dans Bossey vous ferait, malgré votre résistance à tout,  un grand plaisir. Je l’aurais voulue source de joie et d’amusement. A deux refermons derrière nous la lourde grille du cimetière. Revenons sur la place, au cœur du village. Arrêtez-vous une nouvelle fois  devant votre statue. Je ne vous demande pas de l’admirer ; Nous le faisons tous pour vous depuis quelques années. Vous êtes comme Flaubert, Gustave Flaubert que « les honneurs déshonorent ».

Chacun aura certainement reconnu en ces héros, singulièrement réunis à la fois dans le silence absolu des Alpes et dans ce lieu sacré de la République, deux Personnalités qui forcent le respect tant pour les vertus et les valeurs qu’ils ont défendues que pour les combats qu’ils ont menés afin d’offrir ou redonner de l’espérance au genre humain.

Je vous rends votre Liberté. Soyez remercié pour cette promenade imaginaire dont il me plait de considérer qu’elle acheva la dixième de mes rêveries.

Indications bibliographiques
 Jean-Jacques ROUSSEAU (1712/1778)
Les Confessions – Livre I
Émile ou de l’Éducation – Livre deuxième
Les rêveries du promeneur solitaire – Cinquième, septième & neuvième promenade
La Nouvelle Héloïse – Cinquième partie – Lettre VII –  À  Milord Edouard

Geneviève de GAULLE ANTHONIOZ (1920/2002)
 « La traversée de la nuit »
« Le secret de l’espérance »

 

1835 – Alexandre MARTIN à propos du noyer légendaire

 

 

SITTING BULL, un rousseauiste qui s’ignorait

                                                         Texte de Gabrielle de Conti

 

L’appartenance des territoires a toujours été un problème des plus délicats à résoudre.

1755, Jean-Jacques Rousseau avait abordé ce sujet dans son Discours sur les origines de l’inégalité : « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargné au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. »

Dès 1492, après la découverte de l’Amérique, les européens explorent de nombreux territoires au nord comme au sud de cet immense continent. Au fil des siècles, ils les exploitent et les colonisent. Les terres amérindiennes ne produisent pas de fer comme les terres européennes. Forts de leurs armes, les conquérants chassent peu à peu les natifs amérindiens de leurs terres pour s’en emparer. « En considérant la société humaine d’un regard tranquille et désintéressé, elle ne semble montrer d’abord que la violence des hommes puissants et l’oppression des faibles…»*

Les indigènes, forcés de s’accommoder, acceptent de signer des traités avec les européens. Certains résistent à leur façon, comme Sitting Bull, chef de tribu sioux dans le Dakota. C’est un homme sage. Il est doté d’une intense spiritualité et guérit par les plantes.

En 1868, Sitting Bull est l’un des seuls chefs à ne pas signer le traité de Fort Laramie. Ce traité fut signé par la majorité des chefs sioux après la victoire de Red Cloud sur la piste Bozeman, il promettait aux Sioux leurs territoires sacrés des Black Hills mais entraînait la perte de la majeure partie de leurs terrains de chasse et une dépendance aux rations alimentaires distribuées par le gouvernement américain. Après la rupture du traité par les États-Unis à la suite de la découverte d’or dans les Black Hills, Sitting Bull dirige le soulèvement sioux. Il est rejoint par des tribus cheyennes et ensemble (1 500 guerriers et 4 500 civils), ils défont et tuent le Général Custer à la bataille de Little Bighorn le 25 juin 1876, 268 hommes sont tués. Sitting Bull ne participe pas lui-même à la bataille car il est homme-médecin, mais confie le commandement à ses chefs de guerre Crazy Horse, Gall et autres. (Source Wikipedia). En 1875, face aux exactions  ommises par les colons, Sitting Bull prononce un discours qui évoque le mystère de la vie, et la concession du même droit à l’existence pour tout être vivant : « Voyez Mes frères, le printemps est venu ; la terre a reçu l’étreinte du soleil, et nous verrons bientôt les fruits de cet amour ! Chaque graine s’éveille et de même chaque animal prend vie. C’est à ce mystérieux pouvoir que nous devons nous aussi notre existence ; c’est pourquoi nous concédons à nos voisins, même à nos voisins animaux, le même droit qu’à nous d’habiter cette terre. Pourtant, écoutez-moi, vous tous, nous avons maintenant affaire à une autre race, petite et faible quand nos pères l’ont rencontrée pour la première fois, mais aujourd’hui grande et arrogante. Assez étrangement, ils ont dans l’idée de cultiver le sol et l’amour de posséder est chez eux une maladie. Ces gens-là ont établi beaucoup de règles que les riches peuvent briser mais non les pauvres. Ils prélèvent des taxes sur les pauvres et les faibles pour entretenir les riches qui gouvernent. Ils revendiquent la terre notre mère à tous, pour leur propres usages et ils se barricadent contre leurs voisins ; ils la défigurent avec leurs constructions et leurs ordures. Cette nation est pareille à un torrent de neige fondue qui sort de son lit et détruit tout sur son passage… Nous ne pouvons vivre côte à côte. »

Après s’être réfugiés au Canada, Sitting Bull et sa tribu sont sommés de retourner dans le Dakota. Ils sont parqués dans une réserve et approvisionnés par l’état américain. « L’homme est faible quand il est dépendant.»* Dans sa réserve, en décembre 1890, Sitting Bull est tué lors de son arrestation par un membre de la police indienne. On ne peut que déplorer cette cruelle injustice envers un homme qui a lutté pour conserver à son peuple la terre de ses ancêtres, terre sacrée qui le nourrissait.

Dans son Contrat Social, Jean-Jacques Rousseau cherchait à définir une idée de justice universelle :

« Comment un homme ou un peuple peut-il s’emparer d’un territoire immense et en priver tout le genre humain autrement que par une usurpation punissable, puisqu’elle ôte au reste des hommes le séjour et les aliments que la nature leur donne en commun ? »

Il proposa la thèse suivante :

«  En général, pour autoriser sur un terrain quelconque le droit de premier occupant, il faut les conditions suivantes :

– Premièrement que ce terrain ne soit encore habité par personne

– Secondement qu’on n’en occupe que la quantité dont on a besoin pour subsister

– En troisième lieu qu’on en prenne possession, non par une vaine cérémonie, mais par le travail et la culture, seul signe de propriété qui au défaut de titres juridiques doive être respecté d’autrui…. »

Bien que les idées de Rousseau fussent connues, les européens n’ont pas cru bon de respecter ses thèses au cours des siècles suivants. On constate aujourd’hui les impacts désastreux de l’ère industrielle qui s’est développée sur les terres d’Amérique : déforestation de l’Amazonie, élevage intensif du bétail, traitements chimiques agricoles qui attentent à la santé de tous, pollution de l’eau, surconsommation provoquant une obésité croissante de la population, etc. Les industriels nous ont imposé d’aller toujours plus vite dans le seul but de s’enrichir. Plus grave : leur modèle ne peut produire sans détruire.

La manière de vivre des amérindiens était beaucoup plus respectueuse de la nature que celle des colons européens qui se sont appropriés leurs terres. L’homme à l’état de nature préserve son environnement en se contentant du nécessaire. L’homme civilisé, qui exige leluxe et le superflu, et qui donne de la valeur à des minéraux que le « sauvage » dédaigne, peu à peu saccagé la terre qui est censée le nourrir. Qui est le sauvage dans cette histoire ?

Le sage Sitting Bull l’avait prédit : « Lorsque la dernière goutte d’eau sera polluée, le dernier animal chassé, et le dernier arbre coupé, l’homme blanc comprendra que l’argent ne se mange pas ».

Au sujet du débat nature/culture, Etienne Klein écrit : « L’homme fait partie de la nature, son essence n’est pas si transcendante…. (Il ne doit pas) utiliser la rationalité comme alibi pour s’adonner à tout sorte de dominations ». (Galilée et les indiens, Ed. Flammarion).

Aujourd’hui la nature nous fait payer cher notre avidité consommatrice. La pandémie de l’année 2020 est un nouveau signal d’alarme. Que nous reste-t-il à tirer comme enseignement de ce constat désolant ? Nous devons, en priorité, éduquer nos enfants d’un point de vue écologique et changer nos mentalités. De nombreux jeunes se lèvent partout dans le monde, avec la courageuse Greta Thunberg à leur tête. Le veganisme prend de l’ampleur chez les jeunes adultes. Nous avons conscience qu’il faut cesser la maltraitance animale et aller vers une agriculture biologique. Il nous reste à boycotter les produits de luxe dont l’effet négatif est bien supérieur à l’effet positif sur la santé de notre planète et à mener une vie plus simple, à tenter d’aller Vers la sobriété heureuse, comme le propose Pierre Rabhi dans son livre (Actes Sud). La raison nous dicte qu’il ne s’agit plus de devenir riche mais tout simplement d’essayer de parvenir à être heureux en nous contentant du nécessaire, afin « de ne plus couper la branche sur laquelle nous sommes assis. »

J’ose souhaiter qu’un jour un amérindien parvienne à devenir Président des Etats-Unis d’Amérique pour que justice soit enfin rendue aux premiers occupants de ce continent dépossédés de leur culture et de leurs terres.

 

*Discours sur l’inégalité + le contrat social

 

 

Un entretien entre Rousseau et Piketty
texte de Pierre Sassier

Rousseau revient aujourd’hui sur terre. Ce qu’il y observe suscite en lui de nombreuses questions. Il va les poser à Thomas Piketty. Voici le compte-rendu de ce dialogue imaginaire :

Thomas Piketty : Avant de répondre à vos questions, je voudrais d’abord vous en poser une : Pourquoi moi ?

Jean-Jacques Rousseau : Parce que vous m’avez été mentionné comme porteur d’idées novatrices sur la question des inégalités à laquelle je me suis moi-même attaqué. Dans le discours sur l’origine des inégalités, j’ai évoqué celui – ou ceux – qui « ayant enclos un espace, ont dit c’est à moi » comme étant à l’origine de la propriété et des inégalités institutionnelles qui en résultent parmi les hommes. Sous l’ancien régime, ces inégalités sont aggravées par un système fiscal qui épargne les plus riches, au point que dans le discours sur l’économie politique, j’écris que « celui qui n’a que le simple nécessaire ne doit rien payer du tout ; la taxe de celui qui a du superflu peut aller au besoin jusqu’à la concurrence de tout ce qui excède son nécessaire ». Ce sont des idées que nous partageons puisque, constatant que les sociétés humaines deviennent de plus en plus inégalitaires en termes de partage de la richesse, vous préconisez une série de mesures fiscales et sociales  aboutissant à une progressivité renforcée de l’impôt et à un strict encadrement de la propriété privée. Nous évoquerons ces points plus loin mais avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais d’abord que vous me parliez de vos méthodes de travail.

TP : De fait, pour répondre à la question posée par l’Académie de Dijon « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle », vous  ne disposiez que de votre immense érudition, et d’une approche philosophique nourrie de nombreuses références qui vont de l’antiquité à vos contemporains. Mon approche est d’une tout autre nature : outre mes références à la littérature d’époques postérieures à la votre, j’ai  accès à une importante quantité de données numériques provenant de nombreux pays. Les techniques du 21ème siècle me fournissent la puissance de calcul nécessaire à l’analyse de ces données archivées, qu’il m’est ainsi possible d’exprimer sous forme de nombreux graphiques qui facilitent grandement la compréhension.  Mais il me faut mentionner une différence importante : votre réflexion porte sur l’humanité dès ses origines, alors que la mienne se limite à la période moderne.

JJR : En termes d’égalité, les progrès accomplis depuis mon époque  paraissent indiscutables et ont même minimisé « l’égalité naturelle, liée à la différence des âges, de la santé et des forces du corps » qui, à mon époque, était une fatalité : on vit plus vieux, on est beaucoup moins malade et beaucoup plus tard, la mortalité infantile a quasiment disparu  et surtout la médecine est accessible au plus grand nombre. A votre époque, les inégalités institutionnelles sont également considérablement réduites car les dispositifs sociaux apportent une aide aux plus démunis sous forme d’aides au logement ou de revenu minimum d’insertion. Les aléas de la vie sont indemnisés  grâce à la prise en charge des pertes de revenu dus à la maladie ou aux accidents du travail. Ceci est rendu possible grâce à la contribution des plus riches à l’impôt alors que Vauban, à la fin du règne de Louis XIV, avait subi une disgrâce royale pour en avoir proposé le principe.  Alors qu’est-ce qui vous fait dire que la révolution qui a commencé en 1789 a été un échec ?

TP : D’abord parce que les progrès que vous énumérez sont relativement récents. Ceux concernant la santé sont dus aux découvertes de la médecine et ne sont en aucune façon liés à la révolution : l’impôt progressif n’a été mis en place qu’au début du 20ème siècle.  La sécurité sociale qui assure l’accès aux soins  et épargne la misère à ceux – malades ou personnes âgées – qui ne sont plus en capacité de travailler ne date que du milieu du siècle dernier.  Le siècle qui a suivi la révolution française n’a rien fait d’autre que de remplacer  les sociétés trifonctionnelles (noblesse, clergé, tiers état) que vous avez connues par des sociétés « propriétaristes ». Conformément à leur appellation, celles-ci ont sacralisé la propriété privée, y compris celle des moyens de production. A titre d’exemple, savez-vous qu’après l’abolition définitive de l’esclavage en 1848, ce sont les anciens propriétaires d’esclaves qui ont été indemnisés pour leur perte de capital et que ni en France, ni en Grande Bretagne, ni plus tard en Amérique, on n’a jugé bon de dédommager les victimes ? Bien plus encore, la France a imposé le paiement de cette « dette » à la république d’Haïti sous menace d’une intervention militaire, faisant de ce pays, de façon durable, l’un des plus pauvres du monde. Cette sacralisation de la propriété a institutionnalisé un pouvoir du possédant  dont, au 19ème siècle, a résulté la misère pour la classe ouvrière sans qu’aucune loi ne vienne en atténuer les effets.

JJR : Et quelles sont les raisons qui ont conduit aussi tardivement à cette évolution vers des institutions sociales ?

TP : Partout, les mentalités évoluent moins vite que les lois. Les changements ont été imposés par des cataclysmes successifs : les Etats-Unis d’Amérique, fondés en 1876 à l’occasion d’une autre révolution, ont proclamé, en préambule de leur déclaration d’indépendance, l’égalité de tous les hommes, mais ont mis « sous le tapis » la question de l’esclavage, probablement sous la pression des quatre colonies  esclavagistes qui avaient participé à la guerre d’indépendance.  La sanction est tombée en 1860 lorsque les mouvements abolitionnistes du nord sont montés en puissance, sous la forme d’une guerre civile meurtrière qui s’est conclue par la défaite du sud esclavagiste et l’émancipation des esclaves noirs, au moins en théorie à défaut d’être dans les faits et dans les esprits. En Europe, c’est à la suite de deux guerres fratricides entre les puissances du continent qu’on peut parler  d’un effondrement  des sociétés propriétaristes  sous l’effet de plusieurs causes : il y a eu, évidemment, les destructions des deux guerres mondiales, mais également l’avènement du communisme russe en 1917, un système dans lequel tous les moyens de production appartenaient à l’état. L’empire des tsars, devenu Union des Républiques Soviétiques Socialistes,  a porté un coup très dur à l’idéologie propriétariste en annulant les dettes contractées par l’état tsariste. Enfin l’impôt : après les deux guerres mondiales, les états se sont vus contraints, pour assurer  la reconstruction de l’économie de recourir  à la mesure de bon sens proposée par Vauban : prendre l’argent là où est, c’est-à-dire dans la poche des plus riches. L’impôt est devenu progressif avec, à partir de 1940, des taux marginaux d’imposition qui pouvaient aller jusqu’à 90% de la tranche supérieure dans les pays anglo-saxons et  à 60% dans certains pays européens. Ces pratiques fiscales ont largement contribué à la dévalorisation du capital et au déclin de la propriété après la deuxième guerre mondiale jusqu’à ce que la mondialisation des économies, dans les années 1980, remette en cause ces acquis et en valeur la possession privée et les excès qu’elle induit.

JJR : La question de l’instruction est également au centre de la différence évidente que j’ai constatée par rapport à mon temps : j’ai vu des milliers d’élèves à la sortie de ce que vous appelez les lycées et j’ai été surpris d’apprendre que cette scolarisation de masse était gratuite. Au 18ème siècle, seuls les enfants de familles nobles ou de riches bourgeois avaient accès à des institutions privées et coûteuses ; Moi -même, j’écris  Emile ou de l’éducation dans la perspective d’une éducation assurée par des précepteurs privés et donc, de fait, les principes qui y sont énoncés s’appliquent aux enfants des familles fortunées.   A l’inverse, dans les sous-classes  pauvres du tiers état, rares étaient ceux qui savaient lire et écrire.  Dans votre siècle, tout le monde – ou presque – est alphabétisé  et on peut constater,  même chez les personnes ayant fait peu d’études, un niveau culturel sans commune mesure avec celui du 18ème siècle.

TP : l’Emile était, en son temps, extrêmement novateur et a inspiré l’éducation moderne des jeunes enfants jusqu’à l’adolescence : vous êtes parmi les premiers à ne pas considérer l’enfant comme un adulte en miniature et à énoncer des principes éducatifs qui s’appliquent à chaque phase de la croissance.  En ce qui concerne les  classes populaires, elles ont été maintenues dans l’ignorance pendant près d’un siècle, car la société industrielle naissante n’avait pas besoin de masses laborieuses instruites pour extraire le charbon et faire tourner les usines. Là aussi, la loi rendant obligatoire l’école pour le plus grand nombre, promulguée à la fin du 19ème siècle,  n’est pas  un acquis de la révolution française. Mais cette loi tardive était également incomplète car elle ne concernait que l’enseignement primaire. Dans la plupart des pays occidentaux, ce n’est qu’entre 1980 et 1990 que se généralise l’enseignement secondaire pour tous.

JJR : Il y a aussi l’enseignement supérieur qui s’est considérablement  diversifié, avec, à côté des formations classiques en arts, en histoire et en littérature et en droit, des cursus universitaires plus techniques au contenu extrêmement varié. A côté des universités, les institutions que vous appelez grandes écoles enseignent les métiers liés à l’industrie et au commerce. Il existe également des instituts de technologie. Cette diversité même, ainsi que les conditions d’accès à ces établissements ne sont-elles pas également un vecteur d’inégalités ?

TP : Si, à l’exemple extrême des pays anglo-saxons  où les droits d’inscription sont globalement plus élevés qu’en Europe, avec un coût prohibitif des études dans trois grandes universités américaines (Harvard, Yale, Princeton) et dans deux grandes universités britanniques (Oxford, Cambridge) qui ne les rend accessibles qu’aux familles les plus riches. Mais même dans les pays d’Europe où le financement public des études est plus élevé et les droits d’inscription universitaires plus modérés, le discours officiel sur l’égalité des chances tient plus de la fiction que de la réalité et aucun pays n’est en mesure de donner des leçons aux autres sur ce point.

JJR : Revenons à l’Emile dont vous m’avez mentionné l’influence sur le système éducatif des 20ème et 21ème  siècles ; j’y relève toutefois une exception concernant  le chapitre lié à l’éducation des filles dans lequel  j’écris   que  « toute éducation des  femmes doit être relative aux hommes ». En opposition avec ce chapitre de l’Emile, d’Alembert dénonce en 1774 «l’éducation funeste que nous leur prescrivons [aux femmes] sans leur permettre d’en avoir d’autre ».  Un peu plus tard,  le marquis de Condorcet défend également l’idée que filles et garçons doivent avoir accès à la même instruction  car selon lui, « la vérité, universelle par nature, est due à toutes et à tous ». J’ai appris qu’en 1790, il est même allé jusqu’à développer un discours logique en faveur de « l’admission des femmes aux droits de cité »,  en affirmant, exemples historiques à l’appui, qu’elles ont les mêmes aptitudes que les hommes pour les affaires politiques. Votre 21ème siècle a arbitré en faveur de ces ardents défenseurs de l’égalité hommes-femmes puisque  le même enseignement est aujourd’hui prodigué aux garçons et aux filles : on ne prépare plus celles-ci à leur rôle d’épouse et de mère, comme je le recommandais dans la section consacrée  à l’éducation des filles, mais à la même vie professionnelle que les hommes. Et les femmes ont acquis le droit de vote et prennent part maintenant aux affaires de la cité.

TP : Force est, en effet, de constater que s’agissant de l’éducation des filles, vous restez prisonnier des idées et discriminations de votre temps. Dès  le 19ème siècle, des femmes se font un nom dans le domaine de  la littérature avec les sœurs Brontë,  Jane Austen, une écrivaine anglaise que j’aime à citer comme témoin primordial de son époque et, en France, George Sand.  Ensuite, avec Marie Curie et sa fille Irène, elles investissent le domaine scientifique. Peu à peu, au cours du 20ème siècle, s’impose l’idée  qu’elles ont  les mêmes capacités de conceptualisation et de raisonnement que les hommes. On leur ouvre alors la porte des universités et on les trouve aujourd’hui en grand nombre dans  tous les secteurs de la connaissance : sciences, médecine, économie, sociologie, droit, etc.

JJR : A de nombreuses reprises, vous mentionnez l’héritage comme une cause primordiale de perpétuation des inégalités. A cette occasion, pouvez-vous commenter pour moi  les mesures que vous préconisez pour contenir la croissance des inégalités liées à l’héritage ?

TP : C’est une critique qu’on peut faire à votre discours sur l’origine des inégalités : je n’y ai pas lu une seule fois le mot « héritage » alors qu’il s’agit en effet d’une cause majeure de reproduction des inégalités. Ce qui a cassé la dynamique de l’enrichissement propriétariste après  la seconde guerre mondiale, c’est  une forte taxation marginale des revenus et le rebond inégalitaire auquel nous assistons au 21ème siècle est précisément du à l’abandon progressif de cette fiscalité.  Mais, pour aller plus loin, un impôt sur les patrimoines conçu selon le même modèle permettrait de  faire circuler la propriété privée, d’empêcher son accumulation entre les mains d’héritiers qui n’ont eu qu’à se donner la peine de naître et assurerait le financement d’ un « héritage pour tous » servi  par l’état. C’est ce que j’ai appelé, dans mon ouvrage « capitalisme et idéologie », la « propriété temporaire ».

JJR : Pour vous, la propriété ne doit pas seulement être « temporaire », elle peut être également « publique » ou « sociale ». Il s’agit de trois formes de dépassement de la propriété privée qu’à la lumière de votre analyse des éléments historiques, vous dites complémentaires. Que pouvez- vous me dire à ce sujet ?

TP : Faisons court : la « propriété publique », c’est le contrôle par la puissance publique des moyens de production et de la propriété immobilière. Poussée à son extrême et de façon exclusive par les pays communistes, elle n’a abouti  qu’à des catastrophes  car elle s’appuyait sur des états où la pensée des dirigeants avait valeur de dogme. Les pays démocrates ont introduit d’autres éléments de régulation du pouvoir des possédants, constitutifs de ce que j’appelle la « propriété sociale ». Celle-ci pourrait se définir brièvement par la participation des salariés aux décisions concernant l’entreprise, par  l’intermédiaire de représentants élus. Mais cette participation peut aller d’un simple avis consultatif comme c’est le cas en France à une véritable représentation, avec pouvoir de peser sur les décisions,  comme cela est pratiqué en Allemagne et dans certains pays nordiques.

JJR : Pour résumer et conclure, un homme qui vient du 18ème  siècle a le sentiment d’arriver dans un pays de cocagne où les inégalités institutionnelles autant que naturelles ont été considérablement réduites,  grâce à l’effondrement de la propriété privée survenu à la suite de deux guerres mondiales. Le même homme du 18ème siècle n’aurait jamais pu croire, avec les données et les valeurs qui étaient celles de son temps, à un évènement d’une telle portée.  Votre livre « capitalisme et idéologie » démontre cependant que rien n’est jamais acquis à l’homme et que la réduction significative des contributions fiscales des plus riches génère une nouvelle augmentation des inégalités. Pour savoir si les mesures que vous préconisez ont été mises en place et couronnées de succès, il me faudra revenir au 22ème siècle.

OUVRAGES CITES
D’Alembert : des femmes, 1774.
Condorcet : Sur l’admission des femmes aux droits de cité, 1790
Piketty : Capitalisme et idéologie, éditions du Seuil, 2019
Rousseau : Discours sur l’origine et les fondements des inégalités parmi les hommes, 1755 ; Discours sur l’économie politique, 1758 ; Emile ou de l’éducation, 1766Remerciements : l’auteur de cet article remercie vivement monsieur Thomas Piketty qui a bien voulu relire et approuver ce texte entièrement imaginé par  l’auteur.

 

 

Charles FOURIER, Étienne CABET, Louis BLANC
Les socialistes utopistes
Texte de Jean-François Riaux
 Le XVIIIe siècle fut un temps d’effervescence politique qui se conclut par une révolution dont on ne cesse d’interroger l’héritage. Certains penseurs, plus que d’autres,continuent d’hanter notre imaginaire politique. Rousseau, en concevant son célèbre Contrat social, a contribué à susciter l’espoir d’une nouvelle société égalitaire que bon nombre de penseurs, tout au long du siècle suivant, ont voulu projeter au sein d’utopies dont on ne saurait sousestimer la fécondité. A leur façon, ces rêveurs méritent qu’on les considère comme des réformateurs sociaux dans la mesure où ce qu’ils ont bâti dans leurs écrits insolites est bien à l’origine d’interrogations fortes, bousculant les mœurs, contestant une souveraineté politique injuste, une brutale organisation du travail, etc. De grands esprits s’en souviendront; ce sera le cas de Marx, même s’il fit la critique de ces penseurs socialisants trop portés à une certaine extravagance. Ces quelques pages visent à leur rendre hommage.
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Les grands textes de la beauté
Textes commentés par Dominique Paquet
La beauté des corps tient une place centrale, avec tant d’évidence qu’on la néglige au plan intellectuel. Au-delà de ses travers et d’une certaine superficialité, la beauté engage des pratiques et des rituels qui traversent les époques et les cultures. Longtemps marginalisés et méprisés, les soins d’embellissement n’ont que très récemment fait l’objet de travaux et d’analyses philosophiques, sociologiques, anthropologiques. Dès lors, il semblait nécessaire, à travers un choix de textes fondamentaux, de parcourir cette histoire des pratiques de beauté, en prouvant que, même sous des formes quotidiennes ou parfois mondaines, la mise en spectacle du corps humain s’impose comme une nécessité essentielle dans l’histoire comme à l’heure actuelle.
Editions IFM-Regards,2020

L’auteur
Docteur en philosophie et en esthétique, professeur à l’Institut Français de la Mode depuis 1997, Dominique Paquet a publié La Beauté (Gallimard, 2013), ainsi que de nombreux articles sur l’histoire du maquillage et les mises en scène du corps (tatouage, piercing) dans l’Encyclopaedia Universalis, et sur la philosophie du corps. De plus, autrice de nombreux textes dramatiques publiés et joués, elle a fait l’objet d’une entrée dans le Dictionnaire universel des créatrices (Des Femmes, 2013).

Sommaire
 
1. UNE NOTION INDÉCIDABLE
 
– Platon, Hippias majeur
– Platon, Gorgias
– Platon, Le Banquet
– Jean Maisonneuve et Marilou Bruchon-Schweitzer, Le Corps et la beauté
– Paul Ardenne, L’Image corps
– Gilbert Lascault, Figurées, défigurées. Petit vocabulaire de la féminité représentée
 
2. ASSIGNATIONS ET MÉTAMORPHOSES
 
– Dominique Paquet, Alchimies du maquillage
– Émilien Carassus, Le mythe du dandy
– Cécile Émeriau, « La dépigmentation volontaire », in Coloris Corpus
– Sander L. Gilman, « Ethnicité et chirurgie esthétique », in La Chirurgie esthétique
– Jean-Luc Bonniol, « Beauté et couleur de peau : variations, marques et métamorphoses », in Communications, Beauté, laideur
 
3. CANONS
 
– Bernard Rosenberger, « Maquiller l’esclave », in Les soins de beauté. Moyen Âge-début des temps modernes
– Lola Montes, L’Art de la beauté chez la femme
– Colette, « Seins », in Le Voyage égoïste
– Georges Vigarello, Histoire de la beauté. Le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours
– Anne de Marnhac, Avant, après. Les visages de la beauté
– Georges Vigarello, La Silhouette du XVIIIe siècle à nos jours
 
4. ANTHROPOLOGIE DE LA BEAUTÉ
 
– Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques
– Claude Chippaux, « Le petit pied de la Chinoise », in Histoire des mœurs
– Jean Malaurie, « Les Inuits, beauté et laideur »
– Philippe Pons, Peau de brocart. Le corps tatoué au Japon
 
 
5. MODERNITÉ ET POSTMODERNITÉ DE LA BEAUTÉ
 
– Charles Baudelaire, « Éloge du maquillage »
– Pascal Ory, L’Invention du bronzage
– Bruno Remaury, Le Beau sexe faible. Les images du corps féminin entre cosmétique et santé
– David Le Breton, Signes d’identité. Tatouages, piercings et autres marques corporelles
– Isabelle Queval, Le Corps aujourd’hui

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Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778)

Brève approche de l’homme et de l’œuvre

Jean-François RIAUX Professeur de Philosophie en classe préparatoire aux grandes écoles, adhérent à notre Association « Rousseau à Montmorency », nous propose ici une entrée richement nourrie mais à ambition « tout public », afin que chacun puisse assez rapidement se remémorer ce que furent, dans son siècle, la vie et l’œuvre de cet immense penseur.

I.–  Le contexte politique, économique et intellectuel p. 1
II.- ROUSSEAU : éléments biographiques et bibliographiques p. 3

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« L’origine des inégalités, de Jean-Jacques Rousseau à Thomas Piketty » de Pierre SASSIER le 14 octobre 2019

Alors que le “Prix Nobel“ d’économie 2019 vient d’être attribué à Esther DUFLO, à son mari Abhijit BANERJEE et à leur collègue Michael KREMER pour leurs travaux d’économie appliquée visant à alléger la pauvreté dans le monde, nous sommes heureux d’accueillir ici cet article de Pierre SASSIER, administrateur de l’Association « Rousseau à Montmorency », qui étend le champ habituel des études rousseauistes en confrontant les idées du grand philosophe du 18ème siècle et de l’économiste contemporain bien connu pour ses recherches sur les inégalités.

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Phares et paupières : recueil de nouvelles

Sandrine SMAÏNE enseignante en littérature, adhérente à notre Association « Rousseau à Montmorency », nous propose ici un recueil de trois nouvelles liées par un fil conducteur : le symbole du phare.

Pour commander ou télécharger « Phares et paupières », cliquez ICI .

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Quel destin pour l’esprit des Lumières

Jean-François RIAUXProfesseur de Philosophie en classe préparatoire aux grandes écoles, adhérent à notre Association « Rousseau à Montmorency », nous propose ici une réflexion d’une belle profondeur et d’une grande actualité.

I. L’héritage des Lumières p. 1
II. Un héritage controversé p. 6

  • 1er point à examiner (proprement historiographique) p. 6
  • 2ème point à prendre en compte : la question du progrès. p. 7
  • 3ème point à considérer : l’esprit des Lumières mis à mal par le romantisme et par delà. p. 8
  • 4ème point à considérer : la question de l’universalisme p. 11

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Aperçu concernant l’emploi de l’expression « SALUT PUBLIC »

pendant la période révolutionnaire et quelques considérations sur ses antécédents

Jean-François RIAUX étudie ici l’emploi de l’expression « SALUT PUBLIC » avant et pendant la Révolution française et  fait justice des accusations portées parfois contre Jean-Jacques Rousseau présenté comme le grand prêtre d’un salut public opposé aux droits de l’homme.

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Architecture et économie octobre 2019

un modèle d’économie sociale et solidaire en vallée de Montmorency

Paris, mai 2018, éditions Eyrolles, 155 pages.

L’auteur Grégoire Bignier, architecte et professeur à l’École nationale d’architecture ENSA Paris-Val de Seine, habite Montmorency et est adhérent à notre Association « Rousseau à Montmorency ».

Son essai  sous titré « Ce que l’économie circulaire fait à l’architecture » s’attache essentiellement à définir le concept d’ »économie circulaire » et son impact sur l’architecture et l’urbanisme. L’économie circulaire est présenté comme une réponse à « l’économie linéaire » de l’ère industrielle, celle qui structure actuellement notre environnement urbain. La mise en place de cette économie « post-industrielle » permet de faire l’économie d’infrastructures coûteuses, créatrices de « dette écologique », de désertification de pans entiers du territoire et de dérèglement du climat.

Le dernier chapitre du livre décrit l’économie circulaire comme une économie sociale et solidaire en s’appuyant largement sur un exemple cher à tous les habitants de Montmorency, celui de la vallée de Montmorency.

Pour lire la fiche de lecture établie par  notre ami Pierre SASSIER, adhérent à notre Association, cliquez : ICI

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SAMEDI 20 AVRIL 20h30 et DIMANCHE 21 AVRIL 16h30

à l’Orange Bleue – 7 rue Jean Mermoz – Eaubonne

Réservation au 06 51 38 48 73

Nous vous recommandons le spectacle du GTA – GROUPE THÉÂTRE AMITIÉ animé par Mme Isabelle CASSIN et par notre ami M. Philippe TOUCHET, Professeur de Philosophie en Premières Supérieures au Lycée Gustave Monod d’Enghien-les-Bains.
Le GTA est une troupe de théâtre amateur qui existe sur Eaubonne depuis 1979. Elle accueille tout citoyen désirant s’investir dans la création d’œuvres théâtrales connues ou non.

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Sur les chemins de Jean-Jacques

Trois extraits du livre de Gabrielle de Conti

VISIONNAIRE

En traversant le parc Montsouris ce matin, je vais de surprise en surprise. Un  immense chêne est planté en son milieu. Je ne l’avais jamais remarqué. En marchant de Denfert à Gentilly, Rousseau l’aurait-il vu naître ? Cet arbre avait le pouvoir de lui redonner vie.

Nous ne sommes qu’à la mi-janvier et les crocus, les jonquilles et même les pervenches (il les adorait) sont écloses ! Qu’est-ce qui cloche aujourd’hui ?

Avant Rousseau et après lui, les sages ont toujours prêché le respect des lois de la nature :

Héraclite : la sagesse consiste à dire des choses vraies et à agir selon la nature en écoutant sa voix.

Marc-Aurèle : va toujours par le plus court chemin, celui tracé par la nature.

Saint Thomas : les lois contraires aux lois de la nature sont des corruptions de la loi.

Léonard de Vinci : va prendre des leçons dans la nature.

Victor Hugo : c’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas.

Jean-Jacques : c’est dans le cœur de l’homme qu’est la vie du spectacle de la nature. Pour le voir, il faut le sentir.

Rousseau serait éperdument malheureux de constater que notre société a perdu le sens du sacré pour prôner celui d’un progrès qui saccage la nature. Notre planète est irréversiblement endommagée. Malgré les recommandations des sages, l’avancée des sciences a triomphé du bon sens. Rousseau le prévoyait dans ses deux discours. Et dans l’Émile, il oppose carrément la conscience à la science. Freud, qui a lu  Rousseau, lui donne entièrement raison au XXème siècle. Dans le malaise dans la civilisation, il constate que les progrès techniques et les sciences n’ont pas rendu l’homme plus heureux.

Des milliards d’automobiles fonctionnant aux hydrocarbures transitent en tout sens. Cette pollution produite par les moteurs s’est tellement amplifiée qu’elle produit des ravages irréversibles sur la faune et la flore en réchauffant le climat. Mais pire : la santé des citadins en est affectée. Les infimes particules d’hydrocarbures s’infiltrent par les voix respiratoires jusque dans le sang et y provoquent les mêmes embouteillages que sur nos routes. Les personnes les plus fragiles peuvent être touchées jusqu’à la paralysie totale, voire la mort, par accident vasculaire. La pollution de l’air est reconnue désormais comme première cause de mortalité mondiale.

Rousseau avait prévenu aussi des dégâts humains que produirait l’industrialisation. Ils sont avérés dans divers domaines : « A force de rassembler des machines autour de nous, nous n’en trouvons plus en nous mêmes ». En transférant notre science à des robots, nous sommes entrés dans une phase de déshumanisation et de nombreux savoir-faire se sont perdus. Une seule machine aujourd’hui peut remplacer des centaines de travailleurs. Cela induit que des millions d’individus finissent désœuvrés. « Quand l’agriculture était en honneur, il n’y avait ni misère ni oisiveté et il y avait moins de vices« .

Il y eut pourtant quelques résistances. En 1811 à Nottingham, des ouvriers désespérés d’être remplacés par des machines saccagèrent soixante métiers à tisser. Le mouvment s’étendit en Angleterre mais la répression du Gouvernement fut telle que la résistance s’épuisa peu à peu. Le progrès matériel soutenu par l’état eut raison de leur juste lutte.

Autre remarque pertinente de Jean-Jacques : « Si vous songez aux monstrueux mélanges des aliments, à leurs pernicieux assaisonnements, aux denrées corrompues, aus drogues falsifiées… Si vous faites attention aux maladies épidémiques engendrées par le mauvais air parmi les multitudes d’hommes rassemblés… Vous sentirez combien la nature nous fait payer cher le mépris que nous avons de ses leçons ».

La chimie agricole agit aussi de manière destructrice. Les traitements par pesticides ont déclenché des affections gravissimes, notamment chez les agriculteurs et les cnsommateurs. Avec la disparition progressive des abeilles, assommées par ces traitements, c’est la production de miel qui est en train de disparaître et surtout la pollinisation que ces ingénieuses ouvrières permettaient.

Les bons médecins conseillent désormais de manger essentiellement des fruits et légumes non traités, mais les traitements, eux, ne sont pas tous interdits par les gouvernements. En signant des pétitions, nous parvenons à obtenir de minces résultats pour la préservation des abeilles. Sans la pollinisation de ces infatigables travailleuses, nous n’aurions plus de fruits.

RECONNAISSANCE

Cher Jean-Jacques

Pardonne-moi ce tutoiement affectif. Tu n’imagines pas l’influence que ton œuvre a eue sur le monde entier. Sache que ton étoile brille encore et que celle de tes persécuteurs s’est éteinte peu à peu. Tu l’avais pressenti : « Tous ont enfin compris que j’avais mieux connu qu’eux ce siècle savant et philosophe »(1).

Un philosophe allemand très apprécié aujourd’hui et que tu aurais pu connaître – Emmanuel Kant – annula exceptionnellement sa promenade quotidienne pour se procurer ton Émile. Lorsqu’il écrivit son incontournable critique de la raison pure, il avait la profession de foi du vicaire savoyard sous les yeux.

Ô sage et censé père, longtemps je me suis cherchée, longtemps j’ai cherché un maître et c’est toi que j’ai trouvé. Tu me révèles que ma pensée correspond en tout point à la tienne. Dans le monde violent qui nous entoure, tu m’apportes un peu de paix. Ah ! le pouvoir de l’esprit ! Comme tu es vivant ! Parfois tu m’apparais, vêtu de ce manteau évasé que tu portais sur le tableau de Maurice Leloir peint à Montmorency. Alors que j’écris sur mon bureau, ton visage bienveillant veille sur moi  : celui du portrait peint par Quentin de la Tour, que tu trouvais le plus ressemblant, avec sur sa vitre le reflet du Panthéon où tu reposes.

Tu m’as appris que la réflexion donne la richesse intérieure. Grâce à toi, je ne suis plus seule. Un nuage noir pèse au-dessus de ma tête ? Je reprends l’une de tes œuvres et un ange de bienveillance me pénètre. Personne n’a ouvert son cœur comme tu l’as fait, cher Jean-Jacques, et touché le mien avec tant de douceur. Tes réflexions ont répondu à nombre de mes interrogations. Tu m’as confortée dans mes idées, dans mes pensées. Je te remercie de m’avoir guidée.

(1) citation du préambule du manuscript de Neuchâtel

RENOUVEAU

Ne viendront pas voir ton tombeau : ceux qui te critiquent sans t’avoir jamais lu ; les absents ont toujours tort, n’est-ce pas ? Si sacrifice il y eut de tes propres enfants, ta culpabilité te permit d’œuvrer pour la postérité. Tout l’amour que tu n’as pu leur donner, on le retrouve dans ton œuvre et aussi dans la neuvième  promenade de tes rêveries. « Je vois un petit enfant de cinq ou six ans qui serrait mes genoux de toute sa force en me regardant d’un air si familier et si caressant que mes entrailles s’émurent et je me disais : « c’est ainsi que j’aurais été traité des miens ». Je pris l’enfant dans mes bras, je le baisais plusieurs fois dans une espèce de transport et puis je continuai mon chemin. Je sentais en marchant qu’il me manquait quelque chose, un besoin naissant me ramenait sur mes pas… Je cours à l’enfant, je l’embrasse de nouveau et je lui donne de quoi acheter des petits pains de Nanterre.

Que celui qui a lu ton œuvre te jette maintenant la première pierre. Que celui qui a osé une confession à la hauteur de la tienne fasse de même. Toi, père des nations, tu as fait amende honorable puisque l’héritage de ton labeur revient aujourd’hui à tous les enfants de la terre. A toi le mot de la fin : « la vraie noblesse, qui aime la gloire et qui sait que je m’y connais, m’honore et se tait« 

Extraits du livre de Gabrielle de Conti
« Sur les chemins de Jean-Jacques »
Editions Unicité, 2019

Avec l’aimable autorisation de l’auteur

Quatre questions à Gabrielle de Conti

à propos de son livre « sur les chemins de Jean-Jacques »

Vous dites avoir refusé pendant longtemps de lire Jean-Jacques Rousseau en raison de l’abandon de ses enfants. Aujourd’hui  vous vous êtes engagée « sur les chemins de Jean-Jacques » comme d’autres sur ceux de Compostelle. Qu’est-ce qui vous a fait passer de ce qui ressemble à un jugement moral vis-à-vis de l’homme à cette forme de pèlerinage ?

On retient surtout de Jean-Jacques Rousseau l’abandon de ses enfants. Ce seul motif a fait beaucoup d’ombre à son œuvre. Je n’ai donc commencé à le lire qu’à l’âge de 50 ans, en étudiant à l’Université. Dès la lecture de ses Confessions, je suis entrée en totale empathie avec lui. Il explique les raisons pour lesquelles il confia sa progéniture à l’Hospice des Enfants Trouvés. D’une part l’impossibilité financière de les élever mais aussi l’influence de Platon qui préconisait dans sa République de confier les enfants à des nourrices puis à des maîtres en vue de leur éducation. Il m’est apparu alors que si Rousseau avait dû élever lui-même les siens, nous n’aurions pas l’œuvre immense qu’il a laissée et qui fait de nous tous ses héritiers. Ainsi libéré des contraintes, il a pu réfléchir à ce que doit être l’éducation des enfants et aussi à la manière de gouverner un pays. De livre en livre, je suis partie sur les chemins de Rousseau pour saisir la mise en scène que la nature et l’environnement avaient pu apporter à son génie. Il est facile de suivre sa trace puisqu’il se raconte beaucoup. Je me suis sentie guidée par une force soudaine, comme si son âme m’avait choisie pour mettre mes pas sur les siens vers un but mystérieux. Je me suis prêtée au jeu, et bien m’en a pris puisqu’il m’a emmenée au cœur de mon histoire.

Quels points communs vous trouvez-vous avec Jean-Jacques Rousseau qui vous amène à dire : « Rousseau était déjà mon père spirituel. En me ramenant sur mon chemin, il est devenu le révélateur de ma conscience » ?

Au fil des lectures, je me suis découvert des échos de ressemblance troublante avec Rousseau. Nos points communs : les lieux, l’hypersensibilité, la polyvalence, l’autodidactie, le goût de l’aventure, l’amour de la nature, la recherche de la vérité et de l’amitié sincère, le besoin d’expression et la quête de la justice. Nous sommes tous deux orphelins d’un parent, et de fait une sorte de honte nous habite. J’ai réalisé dans Emile ou de l’Education que le père n’est pas seulement celui qui vous nourrit mais celui qui vous éduque. Ayant été abandonnée par mon père avant ma naissance, j’ai trouvé en Rousseau un père de substitution, un guide spirituel qui m’a conduite à faire mes deuils. Il est des devoirs dans la vie auxquels il ne faut pas se soustraire. Son travail d’introspection a agi comme un miroir sur ma propre conscience. J’y ai retrouvé tout ce qu’il avait découvert en lui-même, et compris l’intérêt qu’il y avait à se tourner vers la raison et la vertu.

Votre livre témoigne d’une véritable érudition sur Jean-Jacques, mais aussi sur d’autres écrivains et philosophes contemporains ou non. Comment avez-vous acquis cette connaissance profonde de l’œuvre et du philosophe  que vous manifestez dans votre livre ?

La lecture de l’œuvre de Rousseau à elle seule m’a instruite car il a synthétisé le savoir des philosophes précédents. De Platon à Hobbes, Grotius et Locke, il a bâti son projet de gouvernement républicain. L’Université de la Sorbonne, que je fréquente encore comme auditrice libre, m’apporte énormément. Le contrat social y est régulièrement enseigné ainsi que le Discours sur les origines de l’inégalité et L’essai sur l’origine des langues.

Dans le dernier paragraphe de votre livre, vous écrivez : « Lorsqu’il [Emmanuel Kant] écrivit son incontournable critique de la raison pure, il avait la profession de foi du vicaire savoyard sous les yeux ». En quoi pensez-vous que ce passage de l’Emile ait pu influencer la pensée du philosophe allemand ?

Rousseau luttait contre les dogmes religieux mais cependant, dans La profession de foi du vicaire savoyard, le Vicaire précise qu’il ne faut pas oublier la religion car elle nous enseigne nos devoirs, je le cite : « Il n’est point de religion qui dispense des devoirs de la morale ». Religion vient de religare, relier, rassembler. Le Vicaire en réfère à « la pure et simple religion de l’Evangile : le droit divin naturel ». Cette loi morale ne nous vient pas « d’en haut », elle se trouve au-dedans de nous, c’est notre conscience : « Il est donc au fond de nos âmes un principe inné de justice et de vertu sur lequel nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises, et c’est à ce principe que je donne le nom de conscience… Conscience instinct divin…etc. » Kant confirme que le sens de la morale et du bien sont innés au fond de notre conscience ; cependant il est allé plus loin que Rousseau à partir de cette Profession de foi. Il ajoute que notre liberté ne peut être durable que par le droit et les lois. Pour lui, le « je veux » est à bannir, c’est le « il faut » qui compte. L’intérêt général de Rousseau devient l’impératif catégorique de la loi morale chez Kant. On voit bien ici l’influence que Rousseau a eue sur Kant.

Propos recueillis par Pierre Sassier